Usine n°2 de Sarreguemines - Photo prise en 1892.
Historique sommaire des sociétés qui se sont sucédées à la direction des usines de Sarreguemines et des succursales.
Les débuts de la faïencerie
A la fin du XVIIIe siècle, Sarreguemines est une petite ville d’environ 2500 habitants, capitale d’un des 35 baillages créés en 1751 par le roi Stanistlas.
Vers 1790, trois négociants en tabac strasbourgeois, les frères Nicolas et Augustin Jacoby et Joseph Fabry y achètent un moulin à huile situé sur la rive gauche de la Sarre. Ils y installent une "poterie" qui emploie une vingtaine d’ouvriers. Dans le seul four en fonction, on fabrique du "cailloutage", une faïence fine composée d’argiles mélangées à des silex broyés et calcinés.
En 1799, un jeune Bavarois, Paul Utzschneider, rachète les parts d’Augustin Jacoby à sa veuve. En 1800, les Jacoby en difficulté financière cèdent leurs parts à Joseph Fabry et Paul Utzschneider. La société prend le nom de “Fabry Utzschneider et compagnie”.
La période Paul Utzschneider
Grâce au génie inventif et aux connaissances des techniques faïencières de Paul Utzschneider, aidé par le blocus de l’Angleterre alors principal fournisseur de faïences en Europe, l’entreprise va connaître un essor important. En 1812, elle emploie 160 ouvriers qui font fonctionner 7 fours à bois.
C’est aussi à cette époque que débute la production des grès polis imitant les pierres dures ou colorées qui égalent ceux produits par Wedgwood. C’est également sous la direction de Paul Utzschneider qu’apparaissent les nouvelles terres : la terre carmélite si fine que l’on dira d’elle qu’elle est la "porcelaine rouge" de Sarreguemines, la terre d’Egypte (un grès brun très fin), la terre de Naples (jaune). En 1828, la faïencerie produit ses premiers décors imprimés à partir de gravures sur cuivre.
En 1836, quand il confie la direction de la faïencerie à son gendre, le baron Alexandre de Geiger, la manufacture compte 300 ouvriers, qui font fonctionner 3 moulins, et 7 fours qui utilisent maintenant la houille combustible bien plus performante que le bois. Son action à la tête de l’entreprise et ses créations lui vaudront la Légion d’Honneur en 1819 et de nombreux prix aux expositions nationales et régionales. Paul Utzschneider décède à Neunkirch-Les-Sarreguemines le 9 septembre 1844 à l’âge de 73 ans.
La période Alexandre de Geiger
Comme Paul Utzschneider, Alexandre de Geiger est bavarois. Il a fait ses études au collège d’Augsbourg avec le prince Louis-Napoléon. Son père était directeur général des Domaines du Prince Eugène, duc de Leuchtenberg. En 1835, il épouse Pauline Utzschneider, fille de Paul Utzschneider et en 1836, il succède à son beau-père à la tête de la manufacture.
Pour agrandir et moderniser l’entreprise, il s’allie avec les familles de faïenciers sarrois voisins, les Villeroy de Vaudrevange (Wallerfangen) et les Boch de Mettlach. La nouvelle société créée le 11 juillet 1838 prendra le non de "Utzschneider et compagnie".
Sous sa direction, la faïencerie prend rapidement une dimension industrielle avec la création de trois usines (entre 1858 et 1869) où l’on utilise des techniques modernes et où l’on élabore des produits nouveaux : une faïence dite "opaque" vers 1850 qui sera décorée avec le nouveau procédé d’impression utilisant des plaques obtenues par galvanoplastie, reproductibles à l’identique et à l’infini (vers 1838). Ce procédé est moins cher que l’impression à partir de plaques gravées et permet des productions en très grandes quantités. Les objets de luxe comme les grès polis et les faïences lustrées dites Burgos sont abandonnés parce trop chers à produire et moins au goût du moment.
Le luxe n’est cependant pas délaissé et vers 1855, des porcelaines de qualité sont produites industriellement surtout après le rachat des décors et des formes de la fabrique de Fismes (Marne) en 1862 et de l’usine de porcelaine Dubois à Limoges (Vienne) en 1867. Vers 1870 commencera la fabrication des "majoliques" produit phare de Sarreguemines jusqu’à la Première Guerre mondiale. Sous le Second Empire, les grès fins "historisants" ou de style rocaille sont à la mode et Sarreguemines en produit en grande quantité.
Naturalisé français en 1843, Alexandre de Geiger est élu conseiller municipal en 1846, maire de Sarreguemines de 1855 à 1865, et de 1868 à 1871, député de l’arrondissement ; de 1852 à 1870, sénateur, et conseiller général du département de la Moselle de 1855 à 1870. A ces différents postes, il œuvre pour que Sarreguemines soit reliée au canal de la Marne au Rhin et aux lignes de chemin de fer de Metz, Niederbronn et Sarrebruck.
Après l’annexion de l’Alsace Moselle, il conserve la nationalité française, quitte Sarreguemines et laisse la direction de la Faïencerie à son fils Paul. La fabrique emploie alors 1800 ouvriers et se classe au premier rang des faïenceries françaises tant par la qualité de ses productions que par son chiffre d’affaires. Il décède à Paris le 14 avril 1891.
La période Paul de Geiger
Né le 15 juin 1837 à Sarreguemines, Paul de Geiger fait ses études à Sarreguemines et à Metz. Dès 1859, il dirige l’usine n° 2 de la manufacture, puis en 1864 il prend la direction technique des trois usines de la rive gauche de la Sarre et en 1867 la direction générale.
Quand il succède à son père, il doit faire face aux conséquences de la défaite française et à la nouvelle situation qui en découle : très francophiles, les ouvriers et employés de la faïencerie émigrent en nombre. La faïencerie de Trenton près de Philadelphie aux Etats-Unis recrute à cette époque une partie non négligeable des ouvriers qualifiés.
Pour pallier l’augmentation du prix de ses produits (taxés à 15%) en France, il décide en 1876 de la construction d’une usine sur le territoire français. La construction à Digoin (Saône et Loire) de cette nouvelle unité de production débutera en 1877.
Les droits de douane ad valorem pour la France sont remplacés par des droits spécifiques aux marchandises. Un nouvel entrepôt est créé à Vitry-le-François (Marne). Les marchandises acheminées par chemin de fer ou par voie fluviale y sont reconditionnées et expédiées à leurs destinataires français. Ce site deviendra usine de production de matériels sanitaires et de poêles en faïence en 1899.
Plus tard, Paul de Geiger fait construire à Saint-Maurice près de Sceaux, (Seine), une petite fabrique appelée "Saint-Maurice à Paris". On y produisait des poëles etdes pièces élaborées dans les ateliers de décorations parisiens.
En 1880 il commence la production de "céramique du bâtiment". Ce sera à partir de 1890 la grande période des panneaux décoratifs qui vont orner des maisons et des bâtiments de par le monde. Les modèles sont alors produits à Sarreguemines ou à Paris dans l’atelier de la Porte Blanche.
La fin du moratoire de 40 ans pour la germanisation de la société imposé après l’annexion conduit, le 13 juin 1913, à la partition de la société en deux groupes : une société à responsabilité limitée allemande, "La Société Utzschneider et Compagnie" et une société anonyme française, "Les Etablissements céramiques Digoin, Vitry-le-François et Paris".
Peu après la scission du groupe, Paul de Geiger, malade, décède à Sarreguemines le 30 octobre 1913. A sa mort, les usines de Sarreguemines seront dirigées par M. Max Jaunez et M. Joseph Wintergeist (co-directeurs) et M. Joseph Leclerc (partie administrative).
L’entre-deux-guerres
A l’issue du Premier conflit mondial, le 8 mars 1920, les deux groupes (français et allemand) se réunissent en une nouvelle société : "Faïenceries de Sarreguemines Digoin et Vitry-le-François" , le siège de cette nouvelle société est situé à Paris 28 rue de Paradis. La famille Cazal la dirigera jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
La paix revenue, la faïencerie parfait les transformations interrompues par la guerre et entreprend de grands travaux d’aménagement des canaux et des voies ferrées. En 1922-23 est construit le grand bâtiment de la direction rue Poincaré. Cet immeuble est actuellement occupé par la mairie et le musée de la faïence de la ville. La production de carrelages s’intensifie et en 1929-30 sera construit un grand magasin de carreaux et en 1930-31 les bâtiments construits en 1880 seront rénovés et agrandis.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale
En 1939, la ville est évacuée et la production des usines situées à Sarreguemines est arrêtée. Des cadres et des ouvriers non mobilisés sont évacués sur Digoin.
Fin 1940 et jusqu’à 1942, la fabrique n° 4 de Sarreguemines est réactivée et placée sous séquestre allemand. En 1942 la faïencerie est achetée par Villeroy et rattachée au groupe des faïenceries Villeroy et Boch.
De 1945 à nos jours
Le 11 décembre 1944, à la libération de la ville, les usines de la faïencerie sont en ruine. Dès le 18, les travaux de remise en état sont commencés sous la direction de M. Jean Cazal et de M. Louis Christ. Progressivement, les anciens fours seront remplacés par des fours tunnels, les bâtiments, les ateliers, les voies ferrées, les canaux, les routes, et les ponts seront remis en état ou reconstruits. Une nouvelle centrale thermique et un nouveau bâtiment pour les presses à carreaux seront construits. En 1955, Sarreguemines aura repris son rang parmi les grands faïenciers exportateurs.
Contrairement à sa grande rivale de Mettlach, l’entreprise ne saura assurer une reconversion de ses productions et malgré le grand succès du pyroblanc, une porcelaine surtout destinée à la vaisselle pour la restauration, le groupe passera sous le contrôle des faïenceries de "Lunéville Saint-Clément" en 1979. En 1982, le site de Sarreguemines prend le nom de "Sarreguemines bâtiment ".
Actuellement, l’usine de Digoin est un des premiers producteurs au monde pour la vaisselle hôtelière. Les autres reproductions marquées Sarreguemines sont produites à Saint-Clément.